Motion du SNES Orléans-Tours contre la signature de la FSU au protocole d’accord concernant les agents contractuels de la Fonction publique.

Publié le par FSC

 

Le 19 septembre 2007, à Nantes, devant les élèves de l’IRA (Institut régional de l’administration), le Président Sarkozy déclarait : <<Je souhaite une Fonction publique moins nombreuse (…) Il serait souhaitable qu’on laisse le choix aux nouveaux entrants entre le statut de fonctionnaire ou un contrat de droit privé négocié de gré à gré. >>

La ligne directrice du gouvernement Sarkozy, en matière d’emplois publics, était dès lors tracée. Elle est à ce jour bien mise en oeuvre avec le programme de suppressions de 100 000 postes de fonctionnaires entre 2011 et 2013.

Ce contexte ne laisse pas d’interroger sur les tenants et aboutissants recherchés par les ministres Tron et Baroin, à travers un protocole sur la précarité, fût-il le résultat de 8 séances de négociations, où nous ne doutons pas que la FSU ait pleinement joué son rôle moteur pour arracher des concessions en faveur des personnels.

Un protocole qui répond à la fois à des revendications immédiates concernant les personnels contractuels, et à la question de fond : comment faire reculer la précarité dans la FP ? s’apparente à un jeu de dupes. En effet, quelques concessions mises en avant ne peuvent masquer ce qui se joue réellement, à savoir la nature des emplois réservés à la FP ; et nous savons que la priorité de notre gouvernement est plutôt de réduire au maximum les emplois statutaires, notamment avec le nombre très insuffisant de postes aux concours de recrutement. Dès lors, le besoin en personnels précaires justifie en partie de leur ménager quelques améliorations.

 

Une lecture attentive du protocole, à travers le filtre de nos mandats de congrès, permet de considérer non seulement les graves insuffisances qu'il présente, mais surtout le risque que nous prendrions à valider une orientation contraire à nos principes, en matière de lutte contre la précarité dans la FP :

 

Revendications immédiates en faveur des contractuels :

- le "dispositif de titularisation" évoqué est-il un plan de titularisation au sens où nous l'entendons ?

Réservé aux agents en CDI ou en CDD depuis 6 ans (avec service effectif de 4 ans), le ministre nous dit que cela concernera "entre 40 000 et 50 000 contractuels" sur 4 ans ; ce qui, rapporté aux 873 000 non titulaires des 3 FP, concerne donc 1, 14 % de ces agents par an, sur une période limitée à 4 ans...

Quand on repense au plan Sapin, qui pourtant nous laissait insatisfaits, on se dit que c'est assez ridicule.

- les interruptions de contrat : elles ne sont assouplies que partiellement, puisque on lit page 8 : << Par ailleurs, les interruptions de contrat inférieures à trois mois par an ne pourront plus être invoquées par l’employeur pour justifier la conclusion d’un nouveau contrat en CDD ou le renouvellement en CDD plutôt qu’en CDI >> ; chez nous, un bon nombre de contractuels totalisent 3 mois par an ou plus de périodes sans contrat... Exit, donc, pour eux, la transformation en CDI.

- quant aux chantiers ouverts (rémunération, action sociale, etc.), on sait que sous ce gouvernement friand de promesses non tenues, bien des chantiers ne sont toujours pas refermés ou l'ont été fort mal, à commencer par celui de la revalorisation, "ouvert" à l'occasion de la masterisation…

 

Le recours au contrat mis en échec ?

Tout l'axe 2 de ce protocole, des pages 5 à 10, fait la part belle au CDI, non seulement en l'instituant comme débouché prioritaire des CDD (100 000, nous dit Tron...), mais surtout en inscrivant désormais dans le marbre de la loi le recrutement direct en CDI, page 7 : << Par ailleurs, dès lors que des emplois permanents compte tenu des compétences qu’ils requièrent ne peuvent être occupés par des fonctionnaires en l’absence de corps ou de cadres d’emplois, il sera envisagé que les agents puissent être recrutés directement en CDI. >> ; en y ajoutant l'intervention des CT, << associés au suivi du recours aux agents contractuels au sein des administrations, collectivités et établissements qu’ils représentent dans le cadre de l’examen de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, tel que prévu par les nouveaux textes relatifs à ces instances (notamment identification des emplois durablement vacants ou des emplois requérant des compétences spécialisées). >> (La FSU devrait donc "négocier" les emplois réservés au recrutement direct en CDI !).

Avec ces quelques lignes, un boulevard s'ouvre vers ce qu'ont dénoncé tous nos congrès, dans notre analyse du CDI, à savoir "une situation inacceptable d'emploi pérenne en concurrence avec le statut de fonctionnaire et que la FSU condamne. " (Marseille 2007).

Dans le Second degré, pensons aux emplois en LP, pensons à nos CLAIR et à leurs postes profilés, pensons à nos concours de recrutement menacés par la baisse inquiétante du nombre de candidats, pensons aux nouvelles fonctions déjà apparues ou à venir, et voyons si notre secteur n'est pas un peu concerné par cette sombre perspective.

Certes, le gouvernement a reculé sur le contrat de projet, mais nous connaissons bien sa tactique : reculer sur une mesure d'une gravité énorme, pour mieux conserver l'essentiel, qui est également régressif.

Concernant le développement du CDI, nous avons dit, depuis 2005, que << La transposition de la directive européenne de lutte contre la précarité n’est qu’une fausse solution pour les personnels précaires (pas de garantie d’emploi ni de contrat à l’année...)>>

Dans le privé, un CDI est-il de la précarité ? Non, d’un point de vue légal (même si les faits contredisent souvent cette règle théorique). Mais il l'est dans la Fonction Publique, puisqu’il fait disparaître la notion d’emploi garanti statutairement.

Or, l'axe 2 de ce protocole brouille très dangereusement les cartes, en la matière.

 

Finalement, la réponse apportée à la question de la précarité, à travers ce protocole, pourrait s’avérer catastrophique pour l’avenir du statut de fonctionnaire (et les garanties qui vont avec, non seulement pour les salariés, mais aussi pour la qualité du service public due à la population), puisque les débouchés en termes de titularisation effective sont dérisoires, tandis que le CDI (qui permet le licenciement, y compris avec la loi sur la mobilité, et rend d’autant plus corvéables à merci ces salariés) se généralise et s’institutionnalise grâce au recrutement direct en CDI.

La dislocation de la Fonction publique ne pourrait être qu’accélérée, avec une telle loi (issue de ce protocole) : les organisations signataires en porteraient la lourde responsabilité, non pas seulement face aux personnels précaires, mais face à la population elle-même, qui a besoin de services publics de qualité répondant à ses aspirations vitales (santé, éducation, transports, énergie, etc.).

 

C’est pourquoi la CA académique du SNES Orléans-Tours demande à la FSU de ne pas signer ce protocole d’accord concernant les agents non titulaires.

 

Texte adopté à la majorité des voix des 20 présents à la CA académique : 15 pour, 1 contre, 4 abstentions

Publié dans Luttes - actualités

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