Casse de la Fonction Publique, des statuts, des concours

Publié le par FSC

Je crois que le plus simple est de partir du statut de la fonction publique (je reviendrai par la suite sur la question du statut lui-même). Je me permettrai donc de rappeler des choses bien connues. Les fonctionnaires d'État sont recrutés dans un grade, par concours, sur la base d'une qualification attestée par un diplôme. (Article 13 du titre I et article 19 du titre II du statut).

            Il n'est donc absolument pas besoin de faire appel à un portefeuille de compétences. Bien au contraire (Je vais développer dans un instant pourquoi). Mais les choses se sont embrouillées sur le plan politique, notamment à partir des arrêtés Lang (LMD), sur le plan idéologique à partir du moment où le patronat a mené une offensive visant à substituer aux qualifications les compétences.

 

Ce n’est que très récemment que l’emploi du terme de compétence s’est répandu pour l’appliquer aux individus singuliers : il est devenu à la mode, et dans un sens qu’on ne lui connaissait pratiquement pas pour décrire des caractéristiques psychologiques. En effet la notion de compétence pouvait désigner deux réalités différentes : « l’ensemble des possibilités de réponses les plus précoces à l’environnement » (H. BLOCH in Grand dictionnaire de la psychologie, Larousse (1997) p. 152), et le « système de règles intériorisé par le sujet parlant qui lui permet de comprendre et de produire un nombre infini de phrases » J.-F. LE NY (même référence).

Puis la compétence a été généralisée, il y a plus de 10 ans maintenant, à toutes les activités humaines avec  une signification très particulière qui vise à l’opposer à celle de qualification. Le terme de compétence vient des pays anglo-saxons (J. WILLS, An Overview of Skills Standards Systems in Education and Industry. Systems in the US and Abroad, Washington, DC, The Intitute for Educational leadership, Center for workforce development (1994) et D. COLARDYN, La gestion des compétences. Perspectives internationales, Paris, PUF (1996), notamment), pays dans lesquels il n’existait pas, au niveau national, de formation qualifiante reconnue. Cette notion de compétences a commencé à émerger dans les discours, dans les écrits, en France au moment où l’on a assisté à la mise en cause à grande échelle des garanties collectives qui existaient dans notre pays.

            La notion de qualification est liée, elle, à une garantie collective. La notion de compétence « masque tranquillement le fait qu’on est en train de tirer un trait sur une garantie collective ». La compétence est individuelle et étroitement dépendante du contexte social général dans lequel se trouve l’individu. Elle est indépendante du lieu et de la durée de l’apprentissage alors que la qualification est liée au diplôme.

            Autrement dit, si le pouvoir veut imposer « un portefeuille de compétences », c'est bien pour rayer la qualification comme base de recrutement des fonctionnaires (et de l'ensemble des salariés dans le casdre des conventions collectives).     

On voit ainsi quels risques on prend en s'appuyant sur l'exemple étranger : notion de compétence opposée à celle de qualification, cela d’une manière radicale pour ce qui concerne l'exemple anglo-saxon.

Je reviens aux arrêtés Lang. Avec le LMD et la suppression du référentiel national, la licence, le master et le doctorat ne sont plus des diplômes mais des grades (dans un sens bien évidemment différent du terme grade qu'on rencontre dans le statut de la fonction publique). Ainsi, dans le RNCP, il est indiqué que le recrutement des enseignants du second degré se fait sur la base du grade de licence. On n’est déjà plus dans le cadre du statut de fonction publique, puisque le recrutement en son sein se fait sur la base d'un diplôme et que les grades universitaires n’ont pas de référentiel national.

Je noterai au passage que le RNCP, comme son nom l'indique, est un recueil des certifications professionnelles, ce qui ne veut pas dire nécessairement des qualifications professionnelles. Il en il en est ainsi par exemple pour ce qui concerne les grades universitaires qui ne sont plus des diplômes.

Que le concours se fasse sur la base de la licence ou du master, ou même du doctorat , on est en dehors du statut de fonction publique si on n'exige pas de transformer ces grades en diplômes. C'est-à-dire d'exiger un référentiel national pour ceux-ci. Je précise bien référentiel national et non pas cadrage national. En effet, la jurisprudence des luttes (si vous me permettez l'expression) a mis en évidence lors de l'application du LMD que pour le Pouvoir cadrage veut dire : nom du grade. Ainsi, lors de l'application du LMD, le Snesup réclamait un référentiel national. Le ministère répondit qu'il y en avait un, que la licence au niveau national s'appelait licence et que cela constituait le cadrage national. Ne pas confondre donc référentiel national et cadrage national.

Autrement dit de mon point de vue, s'opposer frontalement aux réformes : au LMD qui a transformé les diplômes qui assuraient une qualification, en des grades qui laissent toute latitude au patronat (public ou privé) quant aux garanties relevant du Statut de la fonction publique ou des Conventions collectives. S'opposer à la transformation du recrutement des enseignants parce qu'elle prend appui sur le LMD mais aussi sur d'autres mesures (comme la LOLF) visant à liquider la fonction publique.

Quant aux exigences que nous pourrions avoir concernant la formation et le recrutement des enseignants, encore faudrait-il que nous nous attelions à une réflexion qui pourrait au moins être commune à l'ensemble de la FSU : élévation du niveau du diplôme (j'ai bien dit diplôme n'ont pas grade universitaire) ; finalités de l'éducation, réflexion nécessaire pour définir le référentiel national, lutte pour la sauvegarde du statut de la fonction publique gravement menacé si nous n'intervenons pas avec détermination et toute la fonction publique unie pour le défendre.

Denis Lemercier.

 

Publié dans Fonction Publique

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