La Martinique, le chlordécone ... et la lutte de classes !

Publié le par FSC

 

 

contraire, la justice poursuit avec zèle les militants.

Comment expliquez la brutalité de la répression ?

Naema Rainette-Dubo

En Martinique comme en Guadeloupe, la répression est un fait colonial, qui se double d’une lutte de classe. Certains veulent faire l’amalgame en la réduisant à une question raciale. Mais c’est détourner le problème. Les militants anti-chlordécone dénoncent un problème de classe : la domination d’une partie de la population sur une autre, qui l’empêche de se développer. Ils demandent réparation des effets sanitaires, mais ils mettent aussi en cause ceux qui dominent l’économie de la Martinique, ils bousculent l’ordre établi. Ces violences de 2019-2020 en rappellent d’autres.

En février 1974, la grève des ouvriers agricoles avait été réprimée par des tirs à balles réelles tuant deux ouvriers. Leurs revendications n’étaient pas que salariales. Ils demandaient déjà l’arrêt des pesticides. Quand la population revendique des droits fondamentaux et que ses revendications peuvent ébranler l’ordre établi – comme la remise en cause de la domination de la caste béké, celle des descendants directs des colons –, le recours à la force prend le relais. Car cette classe se sent en danger, elle veut court-circuiter l’élan d’un soulèvement général, ou tout au moins le décourager.

Quelles sont les principales revendications du collectif Zéro chlordécone-Objectif zéro poison ?

Naema Rainette-Dubo

 

Nous revendiquons la fin de l’impunité. Le collectif s’est constitué en 2018, autour de plusieurs organisations, sous le nom Zéro chlordécone-Objectif zéro poison, car le combat ne concerne pas que cette molécule. D’autres pesticides sont utilisés : l’Asulox, un herbicide exploité dans la canne à sucre, a obtenu une dérogation.

Nos propositions sont aussi bien sanitaires, économiques, que sociales. Parmi elles, la reconnaissance des maladies des ouvriers agricoles comme maladies professionnelles, la compensation des pertes des marins pêcheurs en raison de l’interdiction de zones de pêche. Mais aussi la gratuité des tests de dépistage du chlordécone. Une loi a enfin été votée en 2019, portée par la députée Josette Manin, on attend toujours les décrets d’application…

Vous avez vous-même des proches victimes du chlordécone…

Naema Rainette-Dubo

Comme pratiquement tout le monde là-bas. 92 % de la population martiniquaise et 95 % de la population guadeloupéenne sont contaminés, comme l’ont établi des épidémiologistes. Aux Antilles, le taux de cancers de la prostate est l’un des plus élevés au monde. Mon oncle était un petit exploitant de bananes. Il est mort d’un cancer. Des cancers de la prostate ont été diagnostiqués dans ma famille et dans celle de mon époux, chez tous ceux qui ont été ouvriers dans la banane.

C’est donc tout un système qu’il faut changer ?

Naema Rainette-Dubo

Exactement. L’administration des plantations doit être abolie. Il faut reconstruire la société sur d’autres bases, sinon ce n’est pas possible de vivre ensemble.

par  Latifa Madani 

 

 

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