Hiroshima : réécriture historique d'un crime contre l'humanité !

Publié le par FSC

 


Pour cause de coronavirus, le Japon a commémoré avec retenue la première attaque nucléaire de l’histoire qui a frappé Hiroshima il y a 75 ans, le 6 août 1945. La traditionnelle cérémonie des lanternes flottantes, déposées la nuit en souvenir des victimes, a été annulée. Dans un discours, le Premier ministre Shinzo Abe a déclaré : « Je m’engage à faire de mon mieux pour l’avènement d’un monde sans armes nucléaires et d’une paix durable ». On aurait apprécié que de tels propos fussent tenus par Donald Trump, mais ce dernier sait à peine où se situe Hiroshima et ne s’intéresse qu’à son terrain de golf.


En l’espèce, les présidents américains se suivent et se ressemblent. Aucun d’entre eux n’a jamais eu la moindre parole critique sur ce qui restera comme l’un des plus grands crimes de guerre de l’histoire. En 2016, Barack Obama avait été le premier président en exercice à se rendre sur place pour rendre hommage aux victimes et appeler à une planète sans armes nucléaires. C’était à la fois beaucoup (pour le symbole) et peu (quant aux responsabilités américaines oubliées).

Aujourd’hui, on continue à présenter cet épisode tragique (140.000 morts à Hiroshima, 74.000 à Nagasaki) comme le tournant de la seconde guerre mondiale, bref comme un mal nécessaire ayant permis la victoire contre le Reich et son allié asiatique.

 

Or rien n’est plus faux.

 

Quand les Etats-Unis balancent « Little boy » - joli nom attribué à la bombe envoyée sur Hiroshima – les carottes sont déjà cuites. On est déjà dans l’amorce de la guerre froide. Washington entend surtout montrer à son allié soviétique circonstanciel quel est le réel rapport des forces en présence, quitte à plonger tout un pays dans l’horreur absolue.

Quand le président Harry S. Truman s’adresse au peuple américain, après avoir rayé Hiroshima et Nagasaki de la carte, tel un shérif de service, il fait assaut de bons sentiments. Il déclare :

 

« Nous avons utilisé la bombe contre ceux qui nous ont attaqués sans sommation à Pearl Harbour, contre ceux qui ont affamé et torturé les prisonniers de guerre américains, contre ceux qui ont refusé systématiquement d’obéir aux lois internationales de la guerre. Nous avons utilisé la bombe pour réduire le temps de l’agonie de la guerre. » Comme dirait Georges Clooney dans la pub d’un célèbre marchand de café : «What Else ? » (Quoi d’autre ?)

Truman précisera un peu plus tard avoir pris la décision de lancer la bombe A sans état d’âme, sans même avoir eu une nuit de sommeil agitée. Certes, nul ne songerait à nier l’horreur des crimes commis par l’armée japonaise, mais de là à signer un acte barbare marquant de la pire des manières l’entrée de la planète dans l’ère atomique, il y a un pas qui n’aurait jamais dû être franchi.

FAUX AMI


Dès le printemps 1945, le sort de la deuxième guerre mondiale est plié. On sait que l’Allemagne nazie va capituler, ce qui entrainera forcément son allié japonais à en faire autant. L’enjeu n’est donc pas militaire. En réalité, les Etats-Unis sont entrés en guerre par crainte de voir s’installer une double hégémonie (l’Allemagne en Europe, le Japon militariste en Asie, où il est déjà présent en Chine). Il en sera de même vis-à-vis de l’Union Soviétique, l’aspect idéologique (essentiel) en prime.

Lorsqu’ils se réunissent à Postdam, en juillet 1945, les dirigeants de la « Grande Alliance » n’ont plus d’illusion sur l’avenir de leur coalition surréaliste. Le vice–président Truman, qui a remplacé Roosevelt, mort en avril, donne alors son nom à une doctrine basée sur le « containment » (autrement dit « l’endiguement ») de l’Union Soviétique. Aux yeux des théoriciens de cette conception, notamment le politologue George F. Kennan et le secrétaire d’Etat Dean Acheson, il faut absolument empêcher l’URSS d’étendre son influence en Europe.

L’utilisation de la bombe atomique à Hiroshima puis à Nagasaki vise donc, si l’on ose dire, autant l’URSS que le Japon. Truman utilise l’arme fatale comme on tape du poing sur la table pour se faire entendre de toute la maisonnée. En l’occurrence, il vise l’URSS, considérée comme un faux ami et un véritable ennemi. La création de l’Otan, demandée par les alliés européens des Etats-Unis, afin de les encourager à ne pas se retirer sur leur Aventin, sera le complément stratégique de l’avertissement nucléaire lancé à la face de l’URSS, avec les Japonais comme « victimes collatérales », pour reprendre une expression qui ne connaîtra son heure de gloire que bien plus tard.

Cet avertissement a marqué à jamais la population japonaise, traumatisée (on le serait à moins) par un crime de guerre inégalé jusqu’ici, et qui continue à être présenté de manière fallacieuse. On imagine ce qui se serait passé si l’Union Soviétique, qui ne possèdera la bombe nucléaire qu’en 1949, avait pris une telle responsabilité.

Dès lors qu’il s’agit de la patrie du « monde libre », pour reprendre le vocabulaire de la guerre froide remis au goût du jour par Mike Pompeo, ex patron de la CIA recyclé au poste de secrétaire d’Etat, nul ne s’offusque.

Il est malvenu d’égratigner l’Empire, même quand il réécrit l’histoire pour masquer ses turpitudes sanguinaires.

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