L'Hôpital malade de la financiarisation : l'exemple de Marseille
SOURCE : La Marseillaise
FO, la CGT et la CNI, les trois syndicats de l'AP-HM, se sont invités à la cérémonie de vœux de la direction aux agents basés au siège rue Brochier à Marseille. Deux visions s’affrontent et la rupture du dialogue social semble bel et bien actée.
Nous n’étions pas autorisés à assister à la cérémonie de vœux. Nous avons donc activement écouté la prise de parole surprise de l’intersyndicale (FO, CGT, Coordination infirmière) et attendu les éléments de réponse de Catherine Geindre, directrice générale. Lorsque les syndicats ont entendu : « Des positions comme celles que vous venez d’exprimer, si elles devaient se maintenir, n’amèneraient l’établissement que dans une situation de régression rapide, voire définitive. Je ne changerai pas d’avis. » Ils ont décidé de lever le camp. L’intersyndicale avait rappelé qu’ils n’étaient « ni haineux, ni violents, ni méprisants » mais dans l’impossibilité « de bien travailler », « dans les conditions que nous imposez ».
Danielle Ceccaldi, secrétaire générale CGT à l’AP-HM, égrenait les constats. « Les personnels administratifs ont fondu », pendant que « les primes des directeurs augmentent, on refait le logo de l’AP-HM, on dépense des fortunes en audit », avec des droits acquis qu’elle décrit en chute libre.
Mais c’est sur les sites que la critique est la plus sévère : « Manque d’effectifs toutes catégories, augmentation de la charge de travail, changements de planning incessants, rappels à domicile, mobilité maximale. » L’intersyndicale a pointé « un manque de respect de l’être humain incroyable dans nos professions, menaces, sanctions, injonctions contradictoires, racisme, humiliations en tout genre, coupes illégales sur les salaires des agents ». Elle étaye l’impact du manque d’effectifs entraînant des arrêts maladies « des départs de l’AP-HM, cela peut aller jusqu’au suicide ». Depuis le 3 novembre, les syndicats boycottent les instances. « Nous vous disons que le mal est profond, que vous ne devez ni le minimiser ni l’ignorer car les personnels sont à bout. »
Pour Catherine Geindre la seule issue réside dans trois piliers « indissociables » : « la redéfinition d’une stratégie », « le redressement financier » et « le projet de modernisation » incluant Timone adulte et l’hôpital Nord. 2017 sera l’année de la mise en œuvre. Pour elle, « la trajectoire financière est indissociable du projet stratégique ». Le projet médical a été réalisé « à une vitesse record » et « a permis de clarifier cette stratégie de manière consensuelle, concertée, équilibrée et validée ».
Le projet d’établissement correspond à « un document de politique générale pour les 5 ans qui viennent. Il était attendu depuis 10 ans. » Le 3e budget hospitalier français d’1,2 milliard d’euros a beau être « considérable », la DG estime que si le CHU continue de perdre « 60 millions d’euros par an », il « continuera à s’enfoncer dans une logique de déficit » jusqu’à courir à sa perte.
Audrey Jolibois, secrétaire générale FO à l’AP-HM a estimé que son intervention signait concrètement « la rupture du dialogue social ». « Elle continue sur la même logique financière et économique. Ce qu’ils vont mettre en place va nous sauver selon eux. On pensait qu’on pouvait peut-être avoir des discussions, c’est la situation de blocage. Je vous avoue que je suis inquiète pour l’AP-HM ». Côté CGT, « je pense que la guerre est déclarée », a résumé Danielle Ceccaldi confirmant des actions dans les semaines à venir.
Le dépôt des préavis va débuter. « Pour eux revendiquer de bien travailler ça empêche l’essor de l’AP-HM. Il nous reste une seule chose : leur barrer la route. »
Nathalie Fredon